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Fermes et hameaux

lundi 12 décembre 2005


Auteur : Yann Deberge

Occupation du sol au IIIe et IIe s. avant J.-C. en Basse-Auvergne

Jusqu’à récemment, nous ne disposions en Basse-Auvergne que de peu de données pour caractériser la trame d’occupation laténienne. Les quelques opérations de fouille entreprises dans la périphérie clermontoise conduisaient à proposer un modèle faisant intervenir des communautés humaines de petite taille de type hameau, régulièrement réparties et qui se seraient partagé la mise en valeur agricole de cette zone très fertile qu’est la plaine de Grande Limagne.




L’existence d’un peuplement rural dense mais éclaté expliquait, selon ce modèle, l’absence d’établissements ruraux plus modestes de type "ferme indigène" (mode de mise en valeur agricole très largement répandu en Gaule - voir l’archéologue n° XX) et à l’opposé celle d’une agglomération importante.


La multiplication des opérations de fouilles préventives dans ce secteur et sur ses marges permet de nuancer considérablement les connaissances sur le sujet et entraine une remise en cause partielle du modèle proposé précédemment. En Auvergne, comme ailleurs en Gaule, l’établissement rural de "base" correspond à un site dont la caractéristique principale est d’être ceint d’un enclos fossoyé de petite dimension (souvent moins de 5000 m²) au sein duquel sont regroupés les vestiges relevant de la sphère domestique ou agricole (fosses, puits, greniers, bâtiments d’habitation). Les objets découverts sur ces sites sont souvent peu nombreux (de 100 à 300 récipients céramiques, une dizaine d’éléments de parure, quelques fusaïoles et meules à grain) et témoignent de la présence sur les lieux d’une communauté humaine de type familial.


Les activités sont principalement la production agricole (culture maraichère, céréaliculture et élevage) et la transformation de ses produits (mouture des céréales, filage et plus rarement tissage des fibres textiles...). Les différences de statut entre ces établissements agricoles se signalent par la qualité et surtout la quantité de mobilier de provenance indigène (vaisselle céramique, accessoires de cuisson, armement) et surtout par le nombre d’éléments de prestige tels que les objets de parure, la vaisselle d’importation méditerranéenne et les amphores vinaires italiques.


Certains sites livrent des quantités de mobiliers (plusieurs milliers de récipients céramiques, plusieurs centaines d’objets de parure...) qui sont peu compatibles avec l’identification à une simple ferme (voir l’encart sur le site du "Pâtural"). Même s’ils semblent toujours largement tournés vers l’agriculture, ils témoignent de l’existence en leur sein d’activités artisanales développées (manufacture d’objets en fer ou en verre, tabletterie...) et d’une implication forte dans les échanges à plus ou moins longue distance (monnaies, vaisselle d’importation, matière brute -fer et verre- importée).


Une estimation de population faite pour le "Pâtural" nous conduit à restituer une population d’environ 150 personnes (une quinzaine de familles ?) ce qui fait de ce site, à la fin du IIe s. avant J.-C., un véritable hameau villageois.


Le complexe "d’Aulnat / La Grande Borne" en périphérie est de Clermont-Ferrand, témoigne d’un mode d’occupation du sol que l’on ne retrouve nulle part ailleurs en Limagne. Sur une bande de terrain large de 500 m sur 2 km de longueur sont concentrés, de façon plus ou moins dense selon les secteurs, des vestiges mobiliers et immobiliers renvoyant aux domaines domestique, artisanal, funéraire et religieux. Il ne semble pas, en l’état actuel des connaissances, exister de spécialisation des espaces et l’on retrouve intimement mêlés des vestiges appartenant aux sphères profanes et religieuses.


Seul le site du "Brézet" situé à l’extrémité est de ce vaste complexe paraît témoigner d’une utilisation plus spécifiquement religieuse. Cette description d’une vaste agglomération où sont regroupés les vestiges d’activités qui généralement s’excluent (notamment les zones funéraires et domestiques) correspond assez bien au terme de Némessos (littéralement le "bois sacré") utilisé par les arvernes pour désigner leur capitale (Strabon, Geographie, livre IV).


Le site du "Pâtural à Clermont-Ferrand : de la ferme indigène au hameau artisanal

Le site du "Pâtural" en périphérie est de l’agglomération clermontoise a été dégagé de façon extensive (environ un hectare) entre 1987 et 1995 (responsables J. Collis, J. Dunkley et M. Richardson). Cet établissement laténien connaît, au cours des IIIe et IIe s., une évolution atypique par rapport à la majorité des sites contemporains. Fondé au milieu du IIIe s., il accueille jusqu’au milieu du siècle suivant une communauté humaine limitée (une à deux familles) et semble alors largement tourné vers le domaine de la production agricole. La quantité, la diversité et la qualité des mobiliers présents, dont une grande quantité d’objets de parure et quelques éléments d’armement, le distinguent néanmoins des autres établissements ruraux contemporains. L’image que nous renvoie ce site est alors celle d’un établissement rural de type ferme indigène qui est le siège d’une famille au statut particulier (aristocrates ?).


Dans la seconde moitié du IIe s. avant J.-C., le site connait des bouleversements importants tant sur le plan structurel que fonctionnel. La très grande quantité de mobilier présent (plusieurs milliers de vaisselles céramiques indigènes, plus de cent objets de parure, une vingtaine de meules rotatives) traduit un accroissement de population que n’explique pas la démographie naturelle (probablement un décuplement de la population).




C’est également à cette période que le site se dote d’une activité de manufacture d’objets en fer et, de façon moins assurée, d’objets en verre. En témoigne, la présence d’abondants déchets (scories, parois de four, battitures), d’un outillage spécifique (tuyères de forge), de quelques déchets métalliques (chutes de fer, ébauches) et de deux fragments de verre brut (l’un bleu, l’autre pourpre) à partir desquels étaient confectionnés la parure en verre (bracelets, perles). A noter également la présence d’un abondant mobilier d’importation principalement originaire d’Italie (44 récipients en campanienne A et 117 amphores vinaires). Le site correspond alors probablement à une petite agglomération ouverte probablement encore largement tournée vers le monde agricole mais plus largement impliquée dans la production artisanale et les échanges commerciaux.


Le complexe d’Aulnat/Gandaillat à Clermont-Ferrand : une ville gauloise ?

Ce vaste site, qui ne connaît pas d’équivalent régionalement, s’étend sur une vaste superficie (probablement plus de 130 hectares) en bordure sud de la plaine de Grande Limagne. Découvert, au cours de la seconde guerre mondiale lors des travaux d’aménagements de la base aérienne d’Aulnat, il a fait l’objet d’un premier dégagement sur une surface modérée au cours des années 1968 à 1981 (fouilles de R. Périchon et J. Collis). Ce n’est qu’avec le développement des aménagements routiers et urbains dans cette proche banlieue de Clermont-Ferrand que les surfaces explorées ont été considérablement accrues. La dernière fouille en date réalisée sur cet ensemble (fouille de Gandaillat placée sous la responsabilité de C. Vermeulen -INRAP- et co-auteur de cet article) est emblématique de ce qui a été découvert sur la plupart des autres secteurs explorés.



Sur cette fouille, les vestiges découverts appartiennent à la période des IIIe et IIe s. avant J.-C., ceux de la deuxième moitié du IIe s. étant de loin les plus nombreux.

Sur près d’un hectare ont été dégagés des fosses dépotoirs, des caves et des puits (une vingtaine dont plusieurs à cuvelage en pierre) qui renvoient principalement au domaine domestique.


Quelques bâtiments sur poteaux porteurs correspondent à des bâtiments d’habitation. Plus inhabituel par comparaison avec ce qui connu ailleurs en Gaule, vient s’ajouter à cette trame domestique, et ce de façon strictement contemporaine, de nombreux vestiges funéraires (59 inhumations et 56 incinérations). Enfin, la découverte d’une forge semi-enterrée témoigne d’un artisanat du fer.